Je suis le carrelage pâle et foncé Paradoxal dans ma propre existence Difficile à déchiffrer, mais pourtant bien ordonné Je suis tout et rien, à la fois confiance et méfiance
Je suis les huit pions à la fois Fidèles serviteurs s’avançant les yeux clos. Pouvant faire un départ de deux petits pas Puis, pas à pas, on m’utilise dans une voie à sens unique
Je suis la tour, forte et inébranlable Qui ne peut trembler qu’en son for intérieur Je marche droit, presque imposant Sans trop oser voir ce qui m’attend
Je suis le cavalier, prompt à réagir, Je passe par-dessus les obstacles dressés, Toujours prêt à servir et protéger Dans une confiance aveugle qui peut me détruire
Je suis le fou : rigolo au cœur tendre Parodiant mes pairs pour me faire entendre Je marche de travers, mais le plus tragique Même lorsque je suis sérieux, on me dit comique
Je suis la reine, à qui tout est permis Je dois toujours intervenir, pour mes amis, Et je me fait abattre par derrière Lorsqu’on profite de mes faiblesses passagères
Je suis le roi, par qui tout se joue Vieux, las et malade, mais toujours vif Je commande, j’affronte l’ennemi Il y a espoir, tant que je reste debout
Je suis la planche bicolore, indispensable, Siège de tant de combats, tant de silences On peut toujours compter sur moi, sur ma table Pour ouvrir le jeu, ou le laisser en latence
Je suis un échiquier et n’ai jamais connu D’autres échecs que les amitiés qui m’ont déçu.