Je les lis fréquemment, chaque fois que j’ai mal à la tête, que je ne peux m’endormir, que je suis fatigué de regarder la télé, que l’envie me prend de frapper quelqu’un au visage ou de me trancher les poignets ; je les lis au moins trois fois par semaine. Ces sacrés maudits, Villon, Baudelaire et Lautréamont, Nelligan, Rollinat, et ainsi de suite, j’en lis les poèmes empreints de tendresse et de rage, imbibés de fiel et d’amour pour l’humanité qui les a mal aimés, et je me sens soulagé, voire heureux de savoir qu’il n’est pas facile d’être un poète. Et, chacun étant maître de son destin, je me demande ensuite, un peu angoissé, si ma voix s’entendra dans le chœur de ces marginaux, chantres du vice et de la beauté, du soleil et de la charogne, si on lira un jour mes poèmes de la même façon que je lis aujourd’hui les leurs, si mon propre jeu poétique en vaut la chandelle.