Je voudrais qu’on me traite en frère, en ami ou, tout au moins, en bon gars ; que mon argent ne s’épuise pas, comme il le fait d’habitude, à la fin du mois ; que mes livres soient lus par qui trouve plaisir à lire ; que mon discours ait quelque sens positif pour qui l’écoute, distrait ou électrisé ; que ma famille soit belle en dehors et solide en dedans ; que mes confidents ne me tournent jamais le dos ; que mes adversaires, si omnipuissants qu’ils se croient, sachent bien que je ne crains pas leur rivalité ; et, surtout, que personne ne me force à vivre selon ses lois. En un mot, les rêves sont ma réalité, comme chantait ce jouvenceau-là dont j’ai oublié le nom, et peu m’importe qu’ils n’aient rien à voir avec mon réel. Car rêver c’est se voir au sommet du monde lorsqu’on est au fond du trou, c’est se savoir mortel et ne pas croire à la mort, c’est voler au-dessus des nuages noirs et regarder le soleil face à face. Car rêver c’est ce qui nous éloigne du règne animal et nous rapproche de Dieu.