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Fredrik SVENDSEN

L(‘a)vallée

La nuit baigne dans sa mer d’encre.
Des missiles plongent comme des ancres,
Amarrant cette nuit à la terre.
Nos fusils veillent sur la frontière.
Le feu crépite lorsque soudain,
Les mitraillettes l’imitent au loin.
Des balles sifflent aux alentours.
Bientôt, ce sera notre tour.

Mais à la guerre comme à la guerre,
J’ai empoigné mon plus cher frère.
Je me suis barricadé derrière,
Lorsque les balles au goût amer
Lui ont fait mordre la poussière.
Lorsqu’on a pu le mettre en terre,
J’ai vu les larmes aux yeux de sa mère,
Madame, les héros n’ont pas de mère.

Ils avaient besoin d’un héros,
Je leur en ai offert un trop beau,
Criblé de belles traces rouges dans le dos.
Je t’ai offert ton dernier cadeau,
Héros comme d’autres sont fait cocus.
J’ai évité cette trop belle mort.
Maintenant la vie me colle au cul,
Jamais mes larmes ne s’évaporent.

Mais à la guerre comme à la guerre,
Je t’ai empoigné mon très cher frère
Et derrière toi je me suis caché.
Mes sens se souviennent de ces chocs
Ce râle dans ton souffle coupé.
Contre ta vie j’ai marchandé,
Avec la mort j’ai fait du troc,
Ton corps était mon seul joker.
Soldat, les héros n’ont pas de frères.
Je ne m’excuserai jamais d’avoir joué,
Au jeu de la mort, tous les dés sont pipés.