Plus tard ! Bien plus tard ! Quand ma chevelure aura Par les ans blanchis, Auprès d’une cheminée, Pendant que la bûche Crépitera des mots obscurs, Je raconterai à qui veut, L’histoire des amants Qui vécurent le temps d’un printemps.
Plus tard ! Bien plus tard ! Quand aidé d’une canne, Je marcherai à travers la campagne, A l’heure où les neiges Vont rejoindre les rivières, Je narrerai les larmes Qui remplissent les sceaux Pour les cœurs taris.
Plus tard ! Bien plus tard ! Quand seul au bout De la grande table, Prenant mon bouillon du soir, Je scruterai dans le bol Les ronds de gras Qui tourbillonneront, C’est ma vie, qu’ainsi Je verrai tourner Comme un manège fou. Les meilleurs moments En ma mémoire seront Tels des jours de fête Et fermant les yeux Je reverrai les visages Que j’ai tant aimés.
Plus tard ! Bien plus tard ! Quand j’ouvrirai le coffre Où auront dormi Mes trésors et mes secrets, Je relirai les pages jaunies Et les dates Me localiseront dans le temps, Afin de mieux Voir les images du passé, Un hier parfois maudit Mais si merveilleux que les maux, D’eux-mêmes, s’effaceront.
Plus tard ! Bien plus tard ! Quand le poids des ans Aura fait son oeuvre, Quand l’ennui pèsera Comme le couvercle de Baudelaire, Je fermerai la porte La grande porte de la vie Et après ! Et après ?