Les flammes dansent Vives et légères, Puis caressantes, enrobent Et lèchent les bûches. Leur reflet dans la vitre Embrase le dos d’un buveur attablé. Du plafond, la cheminée s’élance, S’évase et les protège, Ourlée d’une dentelle d’écussons. Profusion de bois chaud Tâché de globes jaunâtres Où la lumière parcimonieuse Rend aux jeunes flammes joyeuses Toute l’ardeur De leur souplesse ondulante. Symbolique du feu Intime et fascinant Chaleur rayonnante Que les parois de verre Ne peuvent emprisonner. Il s’évade, Déborde du socle de briques, Projette le regard Vers l’escalier, la balustrade. Montez la garde, messieurs, Au bas de l’escalier. Ne taquinez pas le doux cheval superbe et sourd Que j’aurais tant aimé l’œil vif Alerte, chevauchant la prairie. Sa robe luit sous les lampes minuscules Mi-captives d’un rond panier d’osier, Montgolfière improvisée Sous les grappes diaphanes, aériennes De vessies transparentes. Montez la garde Pour ces pantins de cuivre et d’étoffe Suspendus Superbement indifférents Au brouhaha des « parler » de toutes langues. L’oreille aux aguets Chercherait en vain Le crépitement des flammes Prisonnier sous les vitres. Légère frustration d’un régal De l’oreille, du palais et des yeux.
Juillet 1988. Au Roy d’Espagne, sur la Grand-Place de Bruxelles. Extrait d'Au fil du temps