Ne retiendrai-je de toute ma vie Un seul lieu qu’il m’est donné de nommer paradis ? Une forêt ou plutôt un bois celui d’Emblise Où j’exerçais la fonction de châtelain du vent Mais aussi au bon temps de l’été de celui de la brise Douce qui caresse le visage des enfants
Autour de cette maison forestière tous les arbres Nous cachaient des cheminées alignées Des maisons ouvrières agglutinées A ces usines du Nord aux toits en zigzag Grises, huileuses, rugissantes comme les vagues Cognant des fières falaises de vieux marbre
Les hirondelles hébétées préféraient la tranquillité De ma grange et la chaleur de la paille A celle de l’hostile ferraille Et des flots effrayants de vélos Surgissant aux heures des chaos Que sont les sifflets de la liberté
Tout autour champs de betterave, de blé et de pomme de terre Se mêlaient au décor du bosquet Et voyaient à la récolte rentrée La horde des femmes venues glaner La part du pauvre en usage qui lui était réservée Lui laissant ainsi la part belle à un avenir moins amer
Quand le soir à la bougie j’apprenais mes leçons Dehors grands ducs, chouettes et hiboux Tenaient leurs quotidiennes réunions Non loin de la fenêtre dans le noir tout au bout Je voyais des lueurs sur des branches M’appeler comme si nous étions déjà un dimanche