Dans un ciel atterré au visage si blême, Tant de formes flottaient, d’étranges passagers, C’était des orphelins condensés en monèmes, En gouttes de pluie noire écoulées sur le pré. Leur succédaient tous ceux qui n’ont jamais vécu Car jamais désirés dans cette arche perdue, Leurs longs gémissements secouaient les nuages Que déchirait le vol des éperviers en rage. Ainsi tant d’égarés au teint blanc de Lazare Traversaient l’horizon en cortège blafard Cherchant dans nos regards un grain de compassion, Un baume consolant sur leurs plaies d’abandon. Au nom de ces damnés, chaque jour exilés, Au nom des innommés dans leur chagrin noyés, Au nom des apeurés dans leur cave prostrés Que ces quelques nimbus m’ont soudain révélé, Je te convoque toi l’obscur plein de colère, Tes cyclones hurlants, où se meurt la lumière, Tes orages sanglants où éclot la terreur, Tes sabres du tourment qui fouillent nos frayeurs. Laisse aux collines bleues leur soif d’apaisement Dans les sources cristallines où joue le faon, Laisse les doigts du givre tisser patiemment Une couronne de brume sur les étangs, Laisse le flamboiement sous la prunelle aimée Incendier le voile des nuits épouvantées, Permets nous de gravir ce sentier si étroit Vers la chapelle toute vibrante de foi Permets-nous, toi l’obscur de croire en l’homme encore Celui qui reviendra des rivages de la mort.