Les nations se sont bien souvent bâties Sur cette double illusion inouïe : Celle d’avoir un ancêtre commun Et des ennemis toujours importuns, Nos vétérans furent-ils ces gaulois ? Qui avaient la gaule si frénétique Que les coqs en coqueriquaient pantois ? Etait-ce ces Celtes énigmatiques, Nés en Thuringe où fleurit Buchenwald ? Pourquoi ne pas remonter bien plus haut , En ces ères glaciaires sans asphalte Où quelques singes velus et farauds Badigeonnaient les parois des cavernes Rêvant qu’ils seraient plus tard célèbrès Comme les précurseurs des arts premiers, Bien souvent imités par nos modernes?
Cessons là cette généalogie, De peur de croiser les tricératops Enfourchant leur bécane en trichromie, Se goinfrant de choucroute et de rollmops Qui arpentent la Provence hébétée Au cri raccoleur : « La France au Français ! ».
Demandez aux Capétiens ou Angevins Qui fut leur ennemi le plus vilain , Les Plangenêts, leurs cruels sosies, Emmêlés dans leur sombre dynastie, Les Hasbourgs, plus d’une fois leur cousin, Professionnels de l’hymen consanguin ? Mais non !Sans doute, vous l’aurez deviné, Le peuple, lui, sans nationalité ! Parfois Breton et parfois Savoyard, Parfois Dijonnais, parfois Communard , Ce peuple trahi, honni, bafoué, Domestiqué et tant manipulé. S’est plus d’une fois révolté en vain, Et fut massacré par son souverain ! Pour les joyeux fêtards de la Bastille Dont la prise n’est plus que pacotilles, Qu’ils se rappellent que tout fut stratégie Et ne consacra que la bourgeoisie !