Vers quel royaume d'ombres glissent les péniches, Sur le long fleuve éteint où crient les crapauds-buffles, Les algues sournoises prés des berges en friche Etouffe les frissons que l'Aquilon insuffle.
Les marins harassés dans leur hamac grinçant Ont les yeux grands-ouverts, effrayés par les vents, Entendent-ils les voix des noyés des marées Qui hèlent en échos leurs amours égarées ?
Des colliers d'étoiles tintent dans le ciel sombre, Quelques pêcheurs inquiets s' en vont dans la pénombre, Les arbres décharnés étirent leurs doigts morts Où se pose une effraie, blanche comme un milord.
Le chaland se dissipe au loin dans la fumée Que soufflent, acharnées, les gorges de la nuit, Là-haut un astre luit, emporte mes pensées, D'un clocher défraîchi s'arrache le minuit.