Carpe diem et Farniente Ce sont vraiment deux bons à rien Non pas qu’ils aient les cheveux blonds Ni la svastika sur le front, Mais comme un certain Alexandre Qui ne montait pas Bucéphale, Ils prélassent leurs amygdales, Le long des rives de la Dendre. Ailleurs, sur le fleuve Potomac Où se noient des tomahawks, Ils regardent pousser des nénuphars Et croasser quelques fêtards.
Carpe diem et Farniente Sont des oisifs impénitents, Ils vivent dans l’île du sommeil Où baillent des hippopotames Et s'enroulent dans des barriques Des éléphants un peu pompette, Le matin, dans leur grand hamac En sirotant un armagnac Ils écoutent l’opéra de Nevers Que chantent des perroquets verts, Le soir, ils envoient à la lune Des gerbes de pivoines en feu Et lisent entouré de pygargues L’éloge de la paresse de Lafargue.
Carpe diem et Farniente Font souvent la grève du rien, Anarchistes de l’inutile, Ils jettent des bombes de rhum Au milieu du plus grand barnum Où viennent pérorer leur cousins Qui eux non plus ne servent à rien Mais ils l’ignorent, voilà leur drame, Plus doués pour le trou-madame, Ce sont ces braves politiciens…
Vieillissant, ils rédigent leurs mémoires, Des pages blanches dans un grimoire, Plutôt que de blatérer n’importe quoi Ils préfèrent se tenir coi. Carpe diem et Farniente Sont enterrés sous un pommier Que viennent butiner les rêves De ribambelles d’écoliers. Quand l’heure était buissonnière, Ils furent nos amis précieux Nous n'étions alors que des morveux, Puissions-nous en avoir gardé Un souvenir émerveillé, Dans ce monde où l’homo faber Trace les routes de l’enfer Qu’il est bon d’évoquer ce temps Où ne rien faire était vaillant Et le revivre intensément A l'âge où tout fuit prestement.