La cascade en cadence écoule les corolles De nos rêves d'antan encore frétillants Ils cavalent sur l'écume d'un vif torrent Qui frissonne en coulant, sinue et caracole
Nous courions sur ses bords tout fumants de l'haleine D'une aurore embaumée, emperlée de rosée Des pierreries en feu miroitaient souterraines Aux fonds des eaux bouillantes où plongeaient nos pensées
Parfois on se penchait sur nos reflets d'argent Ils étaient si ridés qu'on se voyait mendiants Enfin, on écoutait, solennels et troublés Des pas dans la forêt qui, légers, s'approchaient
La Dame sans merci, Hécate ou Artémis Aux beaux cheveux de jais qui ombrageaient l'azur Nous ne pouvions la voir sans risquer des sévices Sinon dans nos miroirs sa silhouette obscure
Et nous l'imaginions sur un sombre rocher Défier du regard la chute diaprée Puis pareille à Sapho sauter dans les abîmes Consumée d'amour, ce vertigineux crime
Et nous suivions alors les sentiers du retour Jetant un oeil discret dans le gouffre aux chimères Tachant de percevoir une voix solitaire Qui nous appellerait bien sûr pour le grand jour...
La cascade en cadence, en furieux tourbillons Emporte les saisons, les volages passions Emporte nos mémoires au-delà des grands monts Emporte nos secrets sans rime ni raison