Dans les forêts bleutées de l'éternelle enfance D'antiques hiboux s'abritent dans les horloges Les corneilles blanches s'endorment dans leur loge Les peupliers ridés évoquent leur jouvence Aux chênes s'accrochent les longs sanglots du vent Qui s'étouffent dans le feuillage iridescent Des oiseaux de nuit picorent les champs stellaires Et les pierres abritent le cri de leur colère.
Dans les forêts rouges de l'impérieux désir Les feux follets s'affolent en tourbillon d'amants On surprend le galop des chevaliers errants Que de belles éplorées aux larmes de saphir Guettent frémissantes comme un soupir d'orage Des carrosses étoilés sillonnent les rivages Transportent en secret le courrier des passions A l'encre sympathique scellé d'illusions.
Mais bientôt sonne l'heure où le lierre s’enlise Les jonquilles se couchent dans les marécages Courbés, les saules têtards maudissent les âges Sinistre sarabande qu’accable la bise Sous une arche de pierre, un fleuve se tarit Ses berges désolées aux ronces se déchirent Au loin les nuages de fatigue s'étirent Le ciel s'étend dans un silence où tout s'oublie.
La forêt est bien sombre et l'ombre nous emporte Des prunelles brûlées tombent des étoiles A l'ubac ténébreux jonché de branches mortes Nous suivons un sentier que le givre nous voile Nous traversons des ruines où dansent les harpies Des arbres calcinés où grincent les pendus Les lys noirs à nos pieds en cortège infini Renferment les secrets que notre âme a perdus.
Cette forêt enchantée qui donc s'en souvient ? Les longues années l'ont recouverte de cendres Ne restent que ses nervures au creux de nos mains Et les cris de son coeur qu'on peut encore entendre.