Quand Brennus le Gaulois cerna le capitole Des stoïques Romains vaincus, sans protocole, Qu’il clama « Vae victis » assis dans la balance Et reçut un butin lourd comme une sentence Se dit-il en son for, le sourire narquois : « Et si l’égalité se mesurait au poids ? ».
Quand Torquemada taquinait les hérétiques A l’aide de tisons trempé dans l’arsenic, Qu’ils leur faisait chanter : « Pardonnez-nous Seigneur » La bouche ensanglantée par de chaudes liqueurs, Se disait-il parfois en se tenant les bras : « Et si l’égalité résidait dans la foi ? ».
Quand les champs de coton dans leur blancheur liliale Accueillaient dans une joie toute pastorale Ces nègres empestés au dos déchiqueté Qui clamaient leurs douleurs dans un chœur affligé, Leurs maîtres amusés s’esclaffaient, bien grivois: « Et si l’égalité se trouvait dans les voix ? ».
Quand sous un ciel blafard se mourait le soleil Percé de part en part par de hauts barbelés Où venaient s’effondrer des fantômes rayés Qui suppliaient un Dieu comme un essaim d’abeille, Leurs atroces bourreaux vociféraient, comblés : « Voyez l’égalité, c’est vos crânes rasés ».
Les temps ont bien changé, nous n’en sommes plus là, Chacun peut se targuer de posséder des droits, Chacun peut convoiter ce que le voisin a Et tous peuvent mentir en se croisant les doigts Même si un écho leur chuchote tout bas « Et si l’égalité, mon vieux, n’existait pas ? ».