Je te reconnaîtrai sur le pont aux cascades Dont les eaux déchaînées charrient tant de mirages Des amours tortueux et des passions nomades Qui naviguent, furieux, sur l'écume des âges.
J'aurai les yeux fermés tel Orphée aux enfers Dont la lyre enchantée apprivoisait la mort, Plongé dans mes pensées sans rien voir du dehors, Je t'attendrai ce soir sous la brume stellaire.
Je t'aurai apporté cette fleur de l'udonge, Tendrement arrosée des larmes de la lune, Venue en trois mille ans dans le secret des songes, Je te l'avais cueillie au bord d'une lagune.
Quand tu t'approcheras dans un vent si fragile Et que tu toucheras mes lèvres malhabiles Je humerai ta peau, tes cheveux de fougères, J'écouterai ta voix lointaine et familière.
Puis, je traverserai ce vieux pont solitaire Qu'on emprunte une fois à l'heure des départs, Quand il nous faut chercher derrière les miroirs Le seul visage aimant par-delà l'éphémère.
Tu seras Eurydice, unique messagère, Ma guide patiente, ma belle jardinière Qui m'orientera le long de ces sentiers Pour retrouver tes pas qui m'ont toujours hanté.