Que murmurait Hector à sa tendre Andromaque Quand l’aile de l’aube soulevait sa paupière Lui confiait-il les peurs de ces nuits d’ insomniaque, Ces hideuses hyènes qui taraudaient ses nerfs ?
« L’homme n’est-il rien d’autre que le songe d’une ombre Epris de lumière qui s’éloigne sans cesse Comme un phare assiégé par les vagues traîtresses Brillant un court moment peu avant qu’il ne sombre ».
« J’ai bien vu tous ces loups dépecer les dépouilles Sous la lune sanglante aux clartés d’épouvante, Le bruit des os broyés rythme la nuit tremblante Sur la plaine funèbre où les herbes se rouillent ».
« Il me faut affronter ces terribles devoirs Qui m’éloignent de toi, mon étoile de roses, Comme j’aurais voulu n’être que ton miroir Ne regarder que toi dans tes pudiques poses ».
Que disait Andromaque à son noble Hector Quand il l’abandonna en pleurs aux portes Scées, Lui a- t-elle confié ces visions torturées D’un soleil transpercé par le bec d’un condor ?
« La brume et la nuée bientôt te couvriront Tout au fond de l'Erèbe où sanglotent les morts Lâches ou héros, tous, ils ont le même sort Que les asphodèles fatales orneront » .
« Je ne toucherai plus tes boucles emportées Comme une mer furieuse où se noie l’arc en ciel Je ne verrai donc plus ton regard torrentiel Où passaient les saisons douces ou endiablées ».
« Comme ces nuages qui ne reviendront plus, Nous rêveries d’amour aux vents se sont perdues Laisse-moi un instant caresser ta joue fraîche Que colore la vie avant qu’elle dessèche ».
Mais déjà le guerrier n’est plus qu’un point obscur Que l’horizon dévore à chaque pas amer, Les poussières du temps l’ont déjà recouvert Tel un linceul flottant dans l’impassible azur.