Au pays des aveugles, les sourds sont bien rois, S'ils voient les horreurs, ils ne les entendent pas Et ne doivent subir les spécieux pataquès De ces bonimenteurs au gouleyant faciès. L'un, ardent défenseur, des espèces voraces Offre aux requins voleurs de superbes palaces Mais se montre sévère avec les resquilleurs, Ces goujons minables qu'on appelle chômeurs, L'autre encourage de somptueux pèlerinage Dans des paradis où le fisc est aboli Mais punit, implacable, ces pouilleux en âge Qui s'esquintent en vain d'acquitter leurs crédits, Certains ouvrent la frontière aux barons bénis Mais chassent les migrants qui sentent l'aïoli. D'aucuns délocalisent leurs profits festifs Et affament, navrés, les grévistes sans tifs, Les uns, graves, s'inquiètent du réchauffement Et propagent le fléau à bord de leur jet, Les autres frugaux consomment subtilement Mais spéculent brutaux sur les pays en dette. Tous ses tristes sires galvaudent sans vergogne Ces devises déposées par dame cigogne : L'égalité est un luxe qui se mérite, La liberté s'achète auprès des boursicoteurs, La fraternité se paie comme un hamburger, Voilà, la belle république des rynchites!