Pourquoi courait-il toujours, haletant comme un buffle? « Au diable vauvert » songeaient les carmélites Accoudées aux balcons garnis de laurier. « Quelques crimes odieux trempés dans l’arsenic, Le curare ou l’absinthe l’obsèdent sans doute." Compatissaient une jamborée d'opiomanes Suspendus à une montgolfière filant vers la lune. "Il fuit son existence, cette maladie qui lui colle à la peau, C'est un algophile". Sentenciaient un essaim de psychiatres qui projetaient Des entonnoirs vers un épouvantail. Mais, lui, courait toujours au-delà des carrefours, Vers les plaines houleuses où dansaient les blés murs. Poursuivait-il le temps et sa faux implacable Pour lui arracher son arme redoutable, Poursuivait-il la bise où tournoient les poussières De ces amours d'antan givrés comme un hiver? Essoufflé certains soirs, il s'arrêtait hagard Et scrutait l'horizon de ses yeux d'oiseau mort. Puis, vint cet instant sur le kiosque à musique où Il vociféra soudain ces propos sybillins: "Mané, mané, thecel, pharès, n'avez-vous pas compris? Ce n'est pas moi qui cours, c'est vous qui êtes immobiles, Enlisés dans vos certitudes confortables, Chaque jour, vous empoisonnez l'univers Par votre présence maudite! Mais votre temps est compté, Regardez, regardez!". Au loin, oscillaient trois immenses tornades Semblables aux doigts d'un géant, Des clameurs épouvantables les accompagnaient Comme un choeur répugnant de féroces harpies, Nous nous mîmes à courir en tout sens, en tout lieu, Nous rappelant d'avoir lu quelque part, Le funeste festin de Balthazar.