Le charpentier, c'était bien le dernier, A mis son manteau de forêts Et est parti sur les routes noires d'Afrique, Les ifs aux cornes luisantes Et les cyprès échevelés l'accompagnaient. Il s'était coiffé de feuilles de bananier, Une écharpe de boa rampait sur ses épaules Et des pantalons aux pattes de pachyderme Lambinaient dans la gadoue. Aux coccinelles pigmentées d'éclats de nuit, Il racontait la légende du machaon Amoureux d'un piano aux gammes tempérées Qui martelait à chaque battement d'aile. Lorsqu'il croisait un village Où solfiaient des éléphants, On voyait les enfants accourir, Les yeux remplis des rêves Des hiboux et des panthères, Les mains couvertes De l'haleine de l'aurore. Quand bondit le chien andalou, A l'oeil rasé de prés, Il ne prit pas ses jambes à son cou Mais lui jeta quelques fourmis Qui, dans ses paumes, faisaient leur nid. Jamais il ne se retournait Pour regarder son passé, Jamais il ne se hâtait Pour dépasser son lendemain Et si parfois il s'asseyait, C 'était pour écouter La course essoufflée du temps, Les larmes aveugles des racines, Le chuchotis des faisceaux lunaires. Tout en suivant le pas d'une rivière Où poussaient des gouvernails gris Du lierres et des pendules en osier, Le charpentier qui était bien le dernier, Trouva une clairière blanche, La salua Et, d'un grand coup de pied, Construisit Une arche dans un harmonica.