Au bal des naufragés et des serpents de mer La mort s’est invitée sur son radeau d’hiver, Les hublots terrifiés se sont terrés d’abord, Là haut, les sirènes mugissent vers l’aurore.
« Quand nous verrons les flammes vertes Jaillir du château des Carpathes Vous mettrez vos rouges gourmettes Comme vos lèvres écarlates ». Ainsi susurrait-il L’Arsène De sa jolie voix de velours A Diane aux beaux yeux de verveine Qui languissait d’un tel amour.
L’écume voletait en flocons de coton, Eventails et melons paradaient sur le pont « Henriette, avez-vous dit ? Retirez votre voile, Une telle splendeur fait rougir les étoiles ! ».
Ah! ces oaristys qui ravissent les dames Seront éparpillées par les terribles lames, Lanternes, cotillons volaient en papillon Mais les vents insidieux appelaient le typhon.
« Nous fêterons la chandeleur Sur les hauts remparts d’Elseneur, Des sommeliers en porcelaine Verseront des vins de Bohème, Quelques bateleurs d’Arabie Charmeront nos douces folies » Ainsi susurrait-il L’Arsène En lissant sa moustache en veine.
Las, le vaisseau s’est fracassé sur un brisant, L’amiral avait pris un très mauvais tournant, Sur les eaux titubaient sa bible et ses gants blancs Un flacon de vieux rhum, des faux cils clignotants.
Violons et tubas toussent dans la tempête, Les invités masqués ont égaré leur tête, Au Baccara huppé, seuls les requins prospèrent, Des poulpes maquillés pelotent les mégères.
L’Arsène n’aura rien volé Dans la croisière des noyés, Il a perdu son oeil de verre, Son monocle et sa boutonnière, Il cueillera des anémones, Des algues bleues pour les gloutonnes, Diane, la fauve chasseresse Lutine avec des SOS.
Au bal des engloutis, les perruques s’affolent La mort danse la guinche et fait la farandole Quand viendront les pilleurs alléger les bretelles, Grisards et goélands enlaceront le ciel.