Que dit le vent, que dit le vent, Vient-il attiser mes tourments ? Il souffle si fort sur la lande, Il souffle si fort ses guirlandes De givre mort et d’épouvante, A-t-il quelques sombres nouvelles, Va-t-il éteindre les chandelles Et m’engourdir dans cette attente ? Où êtes-vous mes beaux vaisseaux, Fier Erebus, puissant Tremor, Votre amiral pantocrator, Toi, mon époux, toi, mon flambeau, As-tu vaincu les sortilèges Qui vocifèrent dans les neiges, As-tu traversé cet enfer Parmi ces bourrasques polaires ? La ciel et son linceul de glace A-t-elle enseveli ta face Dans ce silence intemporel Où le néant devient réel ? Avec cents matelots hardis Un jour, tu quittas ta patrie, Tu cherchais au cœur de l’arctique Une conquête fantastique, Ce long passage fabuleux Où tu verrais enfin les Dieux Dans les lumières boréales Verser la coupe du St Graal.
Mais les tornades véhémentes, Mais les spectres des avalanches Qui toutes les nuits se lamentent, Ont-ils démantelé les planches De tes frégates pétrifiées Dans ce chaos de mer gelée, La peur et sa crinière sombre A-t-elle rugit dans ton coeur Où s'étaient réfugiées les ombres De tes souvenirs en frayeur?
Que dit le vent, que dit le vent, Vient-il apaiser mes tourments ? Il souffle trop fort sur la lande Dans sa cruelle sarabande, Il m’a apporté ce matin Un bouquet de noirs chrysanthèmes, Le convoi des nuages blêmes Qui s’en allait vers le lointain A sangloté à ma fenêtre A travers les branches d’un hêtre Qui pianotaient sur le carreau Un douloureux oratorio : « Laisse-moi brûler, mon amour, Dans cet hiver où meurt le jour, Laisse-moi toucher ton visage Dans ce miroir où fuit mon âge ».