Elle est venue la fanfare de tous les temps Le long des platanes, dans la rue en liesse, Ah ! la belle pagaille, un vrai enchantement D’entendre la rumeur s’enfler en allégresse. C’est d’abord un triton qui souffle dans sa conque Tandis qu’une sirène en pince pour sa lyre, Que poursuivent têtues les flûtes des satyres Imitant piètrement de beaux airs qu’elles tronquent Puis s’avance Aphrodite aux fesses affolantes Héphaïstos fasciné martèle son enclume, Dyonisos outré flagelle ses bacchantes Qui ont troqué son vin contre un verjus d’agrumes, Valsant sur ses éclairs, Zeus en peau de taureau, Va kidnapper Europe qui lui garde rancune. Mais laissons les passer ces Dieux en oripeaux Qui se gaussent en vain en quête de tribunes ! Car voici les cuivres, trompettes et tocsins Dont l’ardeur stridente fracasse les nuages Les bassons si bougons , les hautbois saturniens Attristent le soleil et ses blonds tatouages. Les balcons s’ébranlent et la foule piétine Des limaces vexées, de piteuses sardines Avec ces trublions, ces gâcheurs de festins Qui souillent nos trottoirs et mâchent notre pain ! Mais voici les guitares et les castagnettes Et tous cambrent d’allure, aux odeurs d’omelettes, Esmeralda se plaint aux étoiles filantes, Un couteau à la main, la flamme dévorante. Des orgues ténébreux défient les orages Leur toccata diabolique vole et s'enrage Alors, des pénitents font grincer leur crécelle Haletant pesamment comme des haridelles Enfin les tambourins flanqués des majorettes Enflamment les badauds avec leurs pirouettes C’est soudain la folie, une meute en furie Et tous les habitants pourchassent le cortège La foule hébétée, frappée d’un sortilège, Traverse les fondrières en léthargie, Quitte le village pour ne plus revenir, Seuls quelques serpentins frétillent dans l’ornière, Un chien hurle à la mort avant de déguerpir Car l’ombre s’avance le long des roselières.