La fille de Noë
Vite, elle s’engouffra dans la sombre taverne
Toute dénudée, son corps blanc frissonnant
Des caresses glaciales d’un vent violent,
Ses cheveux dorés brillaient comme une lanterne.
Ils étaient bien tous là, tapis tels des grands fauves,
Des vieux briscards grinçants de leur dents faisandées,
Des bikers avachis au cortex tatoué,
Et quelques vieilles bigotes aux babines mauves.
Ils l’ont reluquée avec leurs phares lubriques,
Puis, ils l’ont touchée de leurs pinces impudiques,
Elle restait insensible comme la sphinge
Qui veille au long repos des morts dans leur syringe.
Alors, ils l’ont chiffonnée hurlant leur rage,
L’ont recouverte de bave et de détritus,
Ricanant grassement de son doux pucelage,
Ils ont brûlé ses cils, profané sa vertu,
Comme elle ne bougeait pas, ils se sont lassés,
Ils ne voyaient pas les perles qui ruisselaient,
L’or de ses paupières, les rubis de ses seins,
Ses lèvres en vif argent, sa toison de satin.
Toujours impassible, elle partit en silence,
Les laissant patauger, immondes phacochères,
Ils n’entendaient pas les grondements de la mer,
Les orages fougueux, les éclairs qui s’élancent,
Sitôt qu’elle avança vers le rivage obscur
Son corps s’agrandit jusqu’aux plus hautes toitures
Se mêla aux vagues, à leur crinière blanche,
Atteignit les sommets où rugit l’avalanche
Ce fut une tempête, un typhon, la tourmente
Qui s’abattit furieux dans un fracas d’enfer
Sur le bouge hideux , et un cri de démente
Traversa les décombres pour envahir la terre.