Et s'il vient rafraîchir tes tempes, Caresser ta nuque devenue si raide Comme le granit des tombes Et s'il vient murmurer quelques prières De sa voix familière Et pourtant si lointaine, Laisse-le car ses jours sont comptés. C'est le vent de la mémoire, Il vient de cet obscur continent Pour te rappeler Les îles désenchantées où dorment Les épaves de tes jeunes caravelles, Les figures obscures de ces peuples sans nom Qui vivent au fond de tes mines à l'abandon, Les montagnes ensorcelées Que tu as gravi en vain Pour y planter L'étendard de tes prestiges, Ces temples où règne la solitude des Dieux silencieux, Ces fleuves qui emportent les mirages déracinés, Cette poussière, cadavre volant du passé, Qui s'épaissit comme une barbe sur ton visage Et les tourbillons de neige Tels des papillons affolés Qui tombent dans les ornières du temps Pour fondre sans traces. Et puis ces cratères furieux Qui expulsent des gerbes de roses, Des souvenirs d'amour qui vont Décorer le train des nuages. Laisse-le te siffler Quelques vieilles ritournelles Qui résonnaient dans les greniers Quand l'hiver soufflait dans les cheminées. Laisse-le feuilleter ces archives d'images Où se croisent tes sosies de tout âge. Laisse-le car vois-tu Chaque jour l'éloigne avec sa lourde cargaison Comme un galion trop chargé qui n'est plus Qu'un point noir au milieu de l'océan. C'est le vent de la mémoire, Regarde le passer Puis effacer ses pas de sable millénaire.