Je suis le veilleur des amours fragiles, Je les éclaire aux chandeliers d’automne, Frileuse saison, ballet monotone, Où tous les cœurs s’abandonnent, fébriles.
Je suis le tailleur des amours futiles, Habillés en facétieux mannequins Qui saluent des folâtres pérégrins De leur vitrine où les années défilent.
Toutes les nuits, je cours sans cesse en vain Derrière une ombre qui m’appelle au loin, Las, jamais, je n'ai pu m’en emparer Puisqu'à mon souffle, elle devient nuée.
Je suis le brick des amours en retard, Je les transporte dans l’île aux miroirs Où se reflètent leurs désirs sauvages Tels des soleils qui fondent dans leur rage.
Je suis l’oiseau des amours aériens, Je les emporte sur ces monts lointains, Ils bondissent dans le train des nuages Et poursuivent les chevaux de l’orage.
Toutes les nuits, je cours toujours en vain, Pour qui et pourquoi? Nul ne s'en souvient, Je broie du noir dans un morne assommoir Fouillant le sol pour trouver ma mémoire.
Je suis brocanteur des amours antiques Qu'on vend, rouillés, sur les marchés publics, Quelques vioques au teint mauve et hâve Les collectionnent dans leur vieille cave.
Je suis pirate des amours volés Au fond des mers, dans un vase brisé, Des algues les retiennent prisonniers, Où, sans espoir, ils resteront cloîtrés.
Toutes les nuits, je cours toujours en vain Derrière un souvenir qui s'est éteint, J'ai oublié quelle était son adresse Et la cherche dans ma grande détresse.