Les ronces de la misère, Hérissées de colère Enserrent les cheminées Telles de noires vipères, Des ombres amaigries Sortent des soupiraux Et cachent dans leurs mains Le spectre d'une dent,
Je suis le brocanteur solitaire Qui sans rime ni raison Collecte les calvaires De quelques moribonds,
Parfois, quand la nuit triomphe, Au détour d'un sombre frisson, J'entends les cris cyniques D'un corbeau famélique Percer le coeur transi D'un amour en sursis,
Je suis le brocanteur solitaire Qui sans rime ni raison Collecte les rêves morts Des amants du Bosphore,
J'achète des blessures Rouillées par les âges, Je vends des faux pardons En colliers d'illusions, Des miroirs aux mirages Hanté de cent visages, Des squelettes sans nom Jadis de grands renoms Et des vases de poussières A jeter dans la mer,
Brocanteur solitaire Dans ma roulotte funèbre J'emporte les années Qu'on ne peut racheter. Je ne fais pas d'affaire, Je traverse les temps A la poursuite du vent.