Quand Lili la licorne au galbe affriolant Souffle dans sa corne des doux barrissement Les étoiles palissent, les sources se tarissent Les arbres titubent, les nénuphars rougissent, La lune et le soleil jouent au colin-maillard Dans un ciel assombri de grands corbeaux braillards, L'hiver poursuit l'été dans sa luge de givre La brume de l'automne ouate le printemps ivre. Quand Lili la licorne aux crins ensorcelants Traverse les hameaux et les villages blancs, On les voit piaffer, hennir en galopant, Les poulains facétieux, les ombrageux mustangs, Les poney tout penauds, les ânes marmonneurs, Les bourrins tubéreux, les étalons hâbleurs, Les rossards vérolés et les roussins baveux, Comme dans un manège, ils tournent ébrieux Jusqu'à l'épuisement suivi de l'amnésie, Ils se précipitent, la crinière en folie Vers la haute falaise où ils s'envoleront. Dans les bourgs, goguenard, vibre l'accordéon, Les juments délaissées vont danser le sabot Et pourront retrouver leurs amants estradiots. Ainsi tous les dix ans, le coup de la licorne Permet aux femelles d'aller en malicorne, Tandis que leurs mâles et pleutres prétendants Vont dans la colline se casser les dents.