Au jardin des allongés, un soir Où la bise jouait avec les fantômes Cachés au sommet des ifs tourmentés, Un souffle glacial Qui balayait la plaine blanchie D'un reflet lunaire Me confia cette histoire :
« Au travers des brumes fatales, Dans une nuit de cristal Balançant tel un éléphant Cheminant vers son enterrement, S'avançait fière, La nef prisonnière Des flots ombrageux Croulants, vertigineux ».
« Nous irons conquérir les mers, Nous franchirons les portes de l'enfer Et l'arche incandescent de l'univers, Malgré l'appel des sirènes Malgré les crocs des murènes ».
« Vains matelots Que reste-t-il de vos échos ? »
« Sur le pont empli de tumulte, Des cris voraces retentissaient, Des rêves de conquête se bousculaient Dans un tourbillon de lames. Mais le sable inexorablement coulait Savourant sa certaine victoire Et les flots déchaînés orchestraient L'inévitable désastre annoncé ».
«Impavides, nous irons explorer Les cratères sans fond de Neptune Nous irons, avides, rouler Dans les anneaux enlacés de Saturne L'univers à jamais Se prosternera à nos pieds ».
« Vains matelots Que reste-t-il de votre ego ? ».
« Sur le pont désolé, Les mânes inquiètes De l'équipage errent en suaire Couverte d'écume, L'amirauté en démence Se morfond dans son impuissance , La mort et la folie, Ces redoutables harpies, Ont joué aux dés Le sort en est jeté. »
« Nous n 'irons plus jamais Embrasser l'humble rosée, Nous ne goûterons plus jamais Aux fruits limpides des vergers,