Le silence de la neige s’épanche, Valse muette que le vent déhanche, Chaque flocon dépose humblement Les légers soupirs d’un ciel indolent.
Sous les arcades se mire la lune, Troublée par quelques clapotis nocturnes Suintant d’un mur que la lèpre fissure Dans cette impasse où le malheur perdure.
De l’obscurité que teinte la peur S’avance un cortège tout en pâleur De nobles femmes aux yeux calcinés Tout en deuil drapées, le buste figé,
Elles marchent en cadence, avec grâce, Taciturnes, déterminées, sans hâte, Quelle tâche les rend donc si tenaces Qu’elles doivent accomplir, ces spartiates?
Elles traversent cette ville inquiète Où quelques badauds en émoi se terrent Et se dirigent vers le cimetière Où gisent tant d’âmes insatisfaites.
Puis s’agenouillent auprès des tombes, Versent des larmes noires dans un vase Qu’elles répandent sur la terre rase Tandis qu’en l’air s’effraye une colombe.
Alors tout au fond de ces froids caveaux S’élève un chœur aux inflexions profondes, Un chant de mort brise tous les carreaux La nuit des défunts en clameur abonde.
Car tous ces oubliés, une fois l’an, Peuvent enfin s’éveiller un instant, Rappeler aux vivants leur lourd destin Que tous vont noyer dans leur mauvais vin.
Que portes et fenêtres soient scellées Et les cierges éteintes sans fumée, Rien n’empêche les thrènes d’envahir Les maisons où tous les cœurs vont frémir.
Quand viendra le matin aux lèvres roses Tous, ils regarderont d’un air morose Ces sépultures dans leur grand sommeil Où défilent, altières, des corneilles.