Elle courait à vive haleine, Elle courait quelquefois avec peine, Elle poursuivait le vent Qui avait dérobé ses années, Elle poursuivait le temps Qui dévalait de longues vallées Parfois un coq à la crète dorée la hèlait Et la voilà enfant à la blondeur du blé Parfois c’était un coq couleur de rouille, Elle se ridait alors chenue comme une quenouille. Quand, avec son attrape-rêve, Elle amarrait toutes les heures, C’était l’extase sur la grève Cet instant où le soleil rougit son cœur. Chaque saison la surprenait Tandis que toujours elle tournait, L’hiver, elle se blottissait Sous le blanc duvet des effraies, Le printemps, sur des ailes en nuée Elle embrassait les aubes tout égayées, Puis éclataient les feux de l’été, Les élytres des grillons la reposaient Et dans les feuilles devenues rousses Elle s’enroulait la mort aux trousses. C’était la terre, toute vibrante Quand elle était si turbulente! La voici maintenant à nos pieds, Nous, ses innommables héritiers La voici maintenant domestiquée Comme une lionne dénaturée Mais dont les rugissements parfois Nous font toujours frémir d’effroi.