Toujours ce doute t’étreindra Ulysse Quand lié au mât, guettant le supplice, Tu cru entendre le chant des sirènes ; Si c’était le râle d’une murène, Le cri sauvage d’une vague morte, Les pleurs d’un marin que la houle emporte Le rire des Dieux au fond des abysses Ou le désespoir d’être seul, Ulysse ?
Longtemps, tu prétendis les avoir vues N’était-ce pas des formes inconnues Que les nuages sculptent à l’aurore, Que la bise souffle sur les brisants N’était-ce pas ce puissant égrégore Qu’un peuple espère depuis longtemps Ou le désespoir d’être seul, Ulysse ?
Car ce fut là leur plus beau sortilège Qui sur toi se referma comme un piège, Toi, le maestro aux mille malices, Le jongleur rusé aux mille desseins N’est-ce pas leur silence si hautain Qui t’a envouté, perfide destin, Fut-il plus vain ce noble sacrifice Que le désespoir d’être seul, Ulysse ?
A présent dans ton palais cyclopéen Les jours s’évaporent en doux parfums, Pénélope tisse tes rêves d’embruns, Mais quand ton chien lèche ta plaie ancienne, Que tu flattes ce fidèle complice, Au fond de ses yeux vois-tu les sirènes Ou le désespoir d’être seul, Ulysse ?