Cassandre, n’as-tu toujours pas compris, Les pierres sont aveugles et muettes, Pourquoi prophétiser les arbres gris, Lacérés par la furie des tempêtes? Pourquoi cherches-tu en vain ton écho Dont les lèvres cousues de tant d’épines S’étranglent à arracher quelques mots Qui vont s’évanouir dans les ravines ? Tu es née dans la foudre des passions Dans l’atroce enfer des fascinations, Combien d’éphèbes as-tu consumés Dans le désespoir d’aimer ta beauté ? N’as-tu point ensorcelé Appolon Et reçu le don de divination ? Sans que jamais, pour ton plus grand malheur, Tu ne lui cèdes la moindre faveur. Mais les Dieux sont plus cruels que les hommes, Ils ont l’éternité pour se venger, Ton nom n’évoque plus que le syndrome De ces devins à l’obscure pensée. Car toi, tu les voyais ces sorts funestes Car toi, tu prédisais la vérité, Dans le miroir des nuits, tu les voyais ; La mort qui chevauchait avec la peste ! Personne donc ne croyait en tes dons Et tous se détournaient de tes visions Qui t’effrayaient tant que terrorisée Tu chancelais, devenant la risée. Mais ta prédiction s’est réalisée, Errante dans Troie toute dévastée C’est aux rochers que tu cries ton horreur De n’avoir su convaincre tes consoeurs Et tous ces cadavres amoncelés Qui en poussières vont se disperser Puis, à travers les siècles transporter Les larmes de leur incrédulité. Car en ces années apocalyptiques, Parmi ces foules de neurasthéniques, Ces faux prêcheurs, ces vains bonimenteurs Ces singes hurlants et ces arnaqueurs, Il en est qui sans aucune illusion Vont partout propager leur conviction Que ce monde en convulsion est damné S’il ne s’écarte pas de son trajet. Quel Appolon ont-ils donc offensé Qu’aucun humain ne leur prête intérêt ? Vont-ils prophétiser les arbres gris Déchiquetés par ces fous en sursis ? Et bien Cassandre, tu l'avais compris Les pierres sont aveugles et muettes Et dans le miroir de mes longues nuits Ton visage se noie dans les tempêtes.