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Giovanni BENINI

Le visage

L'ombre de la falaise tremblait sur la plage
Plongeant dans les ténèbres les fulmars frileux,
Un sentier sinueux s'élançait silencieux
Vers la colline sombre où menaçait l'orage.

Elle savait déjà ce qu'elle trouverait
Là-haut, une église que la foi avait fui,
Où rôdaient les échos des sardoniques cris
Des enfants du démon qui s'y étaient cachés.

Car, depuis tant d'années, un affreux cauchemar
Hantait ses longues nuits baignées de tant de larmes,
Toujours, elle avançait dans un morne brouillard
Sur ce chemin sournois aux maléfiques charmes.

Non loin du vieux clocher, de la nef dévastée
Se dressaient quelques croix agressées par la bise
Elle s'en approchait et découvrait troublée
Une tombe béante à elle un jour promise.

Son nom était tracé en lettres écarlates
Sur la stèle abimée où gonflaient des lézards
Et le ciel torturé saignait de ses stigmates
Tandis qu'à l'horizon chutait un soleil noir.

Brusquement, paraissait un visage blafard
Aux lèvres distordues, au pernicieux regard
Qui lui remémorait son mystérieux serment:
« Je veillerai sur toi quand viendra le moment ».

Or, un jour, au musée, au détour d'une allée,
S'imposa un tableau à son âme envoûtée
Où elle retrouva l'étrange paysage,
La tombe vacante près d'un terne rivage

Et la même figure au pied d'un grand cyprès
Qui la fixait fiévreux avec forte acuité,
Son doigt lui indiquait au bas la signature
Où elle reconnut sa gracieuse écriture.

Elle avait égaré au fond de sa mémoire
Un amour sacrifié pour embrasser la gloire
Et le pacte signé qui lui accorderait
Cette unique beauté que rien n’altérerait,

Les années filèrent, l'oeuvre fut oubliée,
Encore suspendue au funeste gibet,
Dans cette galerie où le mal triomphait,
Où tout lui rappelait sa trahison passée,

Alors elle entendit cette voix redoutée
Qui envahit les lieux comme un ras-de-marée,
Disparurent soudain la toile et ses secrets,
Elle était dans le trou que la terre comblait,

Puis, ce fut le réveil dans la chambre glacée,
Un visage atterrant penché sur son effroi
Quelques mots chuchotés à son âme damnée:
« Chaque nuit, tu vivras les affres du trépas ».