Elle frôlait l’étang de ses doigts embaumés Des doux baisers de l’aube aux cheveux mordorés, L’eau murmurait d’amour à chacune caresse, La lumière valsait sur la berge en liesse.
Des bouquets d’ailes bleues s’étiraient vers le ciel, Vers des langues de feu que tirait le soleil, Les arbres verdoyants se peignaient dans les vents Que soufflait la colline aux parfums entêtants.
La farouche Ophélie frappée par la folie Habitait en ces lieux depuis un grand malheur Qui emporta son Dieu et sa grande ferveur Dans les tréfonds vaseux de cette mare impie.
Depuis, tel un fantôme affligés de remords, La nymphe infortunée errait aux alentours Et du soir au matin invoquait tour à tour Les anges et démons par de multiples sorts.
Elle appelait la lune, mère des sortilèges, Ou suppliait Neptune et ses anneaux de neige, Puis charmait les corbeaux, gardien des cimetières Qui savaient les secrets ensevelis sous terre.
Les gens avaient pris peur et la montraient du doigt Quand venait un désordre, un fléau, un tracas, Alors qu’elle priait à genoux l’astre mort, On lui coupa la tête à coup de hache d’or.
Aussitôt l’horizon devint d’un noir de bistre Tandis que fulminaient au loin des voix sinistres, La bise ricana d’un sifflement mauvais, Le marais se vida dans un vacarme épais.
Les arbres décharnés se fendaient en souffrance, Une brume perfide étouffait les prairies Où s’éteignaient vaincues les précieuses jonquilles, Le chant des rossignols s’abîmaient en silence.
C’est le village entier qui bientôt s’effondra Et fut précipité dans de sombres entrailles, Plus rien ne subsista, pas la moindre muraille, Un vague souvenir flottait comme un vieux mât…
Après bien des années, de pauvres pèlerins Ont découvert au fond d’un étang affaissé Deux squelettiques corps tendrement enlacés La tête, à l’un, manquait et l’autre était sans main.