Le long marais du Fen aux confins de l’Irlande Etend ses bras fangeux dans la sinistre lande, Foulques et outardes sous un ciel effaré Lancent des cris stridents tels des spectres damnés.
Tandis qu’un soleil las épanche ses blessures Aux tisons enflammés chutant dans les tourbières, Que des ciseaux furieux découpent en lanières Un firmament frileux parsemé de dorure,
L’ombre néfaste du chasseur suant de rage S’avance pesamment faisant trembler la bise Qui fouette en vain avec ardeur ce dur visage Creusé par l’étreinte d’une sombre hantise.
Un dogue tout baveux aux yeux de fièvre jaune Parfois grogne ou gémit en explorant la faune, Les crapauds se sont tus dans les herbes mauvaises Les saules sont ployés sous le joug d’un malaise.
Il est venu châtier l’horrible cauchemar Qui sème la terreur dans les humbles chaumières, Le mal tue les enfants et torture les mères Puis dévore les cadavres dans les mangeoires.
La lépreuse lamproie au fond des marécages Exhale ses poisons aux odeurs de carnage, Il faut la débusquer, découvrir son repaire Enfin l’anéantir d’un geste salutaire.
Mais le pauvre traqueur sent au fond de la vase, Des mains le retenir, l'enliser lentement, Une boue infecte l’emprisonne et l’écrase Et dans son agonie, il comprend vainement
Qu’il n’y a que des arbres décharnés, griffus, Des monstres pitoyables aux troncs distordus, Fils de la misère, cette goule assassine Qui ronge les vivants, l'insatiable vermine!