Les rêves vont-ils s’assembler Sur la face cachée de la lune Ou tombent-ils Dans les fosses abyssales , Là où régne le silence Des défuntes passions ?
Je les croisais toujours, Assis, sous un immense tilleul, Ils guettaient le firmament Telles des sentinelles inquiètes, Puis, s’interrogeaient En scrutant leur montre avec angoisse L’un d’eux , un jour, me fit signe Et me demanda si j’avais vu Passer une heure « Et alors »,répondis-je, « Où serait-elle partie ? ». Chacun d’eux avait perdu une heure Et s’égarait en conjectures : S’était-elle dissimulée dans un bahut, Au fond d’un grenier Aux trots des chevaux de bois, Avait-elle franchi les colonnes d’Hercule Où galopent, au loin, les Scythes indomptables, S’était-elle enfuie au Kamtchatka Là où des crabes royaux broient les étoiles Dont les larmes de sang fulminent en geyser Ou, peut-être , dans le souffle délicat D’un amour qui ne s’avoue pas ?
Et le temps passa ainsi Jusqu’au seuil du trépas, Nous n’étions plus que des vieillards Chenus et chevrotant, Nous avions oublié Au pied d’un tilleul centenaire, Cette heure perdue Que des années n’avaient pu rattraper…