Les balcons sont des nacelles de pierre Où viennent souvent s’accouder les rêves Quand des cœurs transis cherchent une trêve Aux profonds malheurs qui, comme du lierre, Enserrent leurs cris sous un dur feuillage.
Voient-ils là-bas leurs amours s’éloigner Quand la sirène du vaisseau des âges Se met à mugir et se fracasser Contre les écueils tranchants de la nuit Où tout se finit dans le sombre oubli ?
Exhalent-ils donc quelques lourds parfums, Puissants messagers du vent des orages Qui illumineront un ciel défunt Comme un jongleur balançant avec rage Des oranges de feu vers l'inconnu ?
Ne vont-ils pas contempler les fantômes Camouflés dans ces linges suspendus Où viennent se complaindre quelques psaumes D’un passé accroché à un manteau Qui s'envole et se noie dans un ruisseau ?
Ou regardent-ils ce dernier passant Dont les pas résonnent trop intensément, Que serre-t-il si fort sur sa poitrine ? Le pétale d’une rose sanguine Volé dans les yeux purs d’une vestale.
Les balcons sont des nacelles de pierre Où s’inscrivent en lettres capitales Ces rêves qui espèrent, un moment, Etreindre toutes les heures d’hier, Et les offrir aux amours sans frontière.