Elle sautillait en murmurant des comptines Qu’accompagnait le vent de son chœur de basson, La neige avait posé sa blanche capeline Sur la toison blonde tel le blé en moisson.
Elle longeait les murs grelottant sous l’hiver Où s’allongeait l’ombre des sobres réverbères Que quelques ivrognes sous des vagues de bière Venaient secouer pour en dérober la lumière.
Las, elle s’abritait sous les porches sombres Menaçant comme des gueules de loups en nombre, Et sanglotait dans ce long silence oppressant Que troublaient parfois les pas heurtés des passants.
Son tablier fripé cachaient ses seuls trésors Tellement discrets, des bâtonnets de phosphore, Elle les avait appelés mes fées allumettes, Quand elles brasillaient dans les glauques buvettes.
Son père n’était pas tendre, il fallait bien les vendre Mais dans ce lourd brouillard, qui donc pouvait la voir ? Sa voix de passereau, qui donc pouvait l’entendre ? Ainsi se sentait-elle esseulée, sans espoir.
Elle aurait tant voulu allumer un grand cierge Pour louer le visage de la sainte vierge Mais il fallait hélàs payer ce beau spectacle Comme ces gourdiflots qui croyaient aux oracles.
Partout dans les maisons, on fêtait ce bon jour, C’était le nouvel an pour de nouveaux amours, Les fenêtres riaient et les chaises dansaient, Les guirlandes flottaient dans les airs parfumés.
La petite fille cheminait dans la nuit Et sur de vieux cailloux frottait une brindille, Elle y voyait alors de radieuses images Dans les lueurs dorées commençait un voyage.
Des pays fabuleux où coulaient des rivières De ce lait maternel, lascif et salutaire, Des chevaux bondissant dans des gorges lunaires Dont l’écho fracassant soufflait mille poussières.
Mais la flamme mourait, revenaient les ténèbres Et l’enfant gémissait sous les flocons funèbres, Elle s’ imaginait le courroux paternel Quand il découvrirait son larcin d’étincelles. Soudain un aigle blanc surgit du firmament, Ses ailes géantes caressa ses paupières, La nymphe s’endormit sur son lit de misère Auprès d’une chapelle qu’abandonnaient les ans.
Une bien triste histoire, me direz-vous lecteur, Qui a eu lieu jadis mais c’est bien là le leurre Car le vieux Prométhée conçut beaucoup d’enfants Qui errent nuit et jour pour vendre la lumière Aux aveugles qui sont encore bienveillants Contre quelques deniers jetés dans les ornières.