Sa chevelure verte filait sous nos pas Elle offrait des halliers aux baies rubicondes Des mares vaporeuses coassaient plus bas Dans les roseaux bruissaient des ailes vagabondes Ses vergers rutilants ruisselaient de joyaux Qu'on croquait joyeux tels les frères de la côte Prairie ! Circé aux yeux de coquelicot A l'haleine d'aube, de fraîcheur qu'on sirote La prairie et ses grands bouquets de pierreries Comme les vitraux enflammés des cathédrales ! On chassait tes trésors en sonnant l'hallali On rampait sur tes flancs comme un brillant cristal En suivant les empreintes des rouges limaces Feu d'artifice ! Tes couleurs rêvaient l'espace Envoûtaient le temps assoupis dans les collines Quand le midi brûlait les allées sanguines Nous traquions nos ombres en tournoyant sans fin Pareil à la sarabande des diablotins Parfois des papillons en leur robe de feu Se mêlaient avec ravissement à nos jeux. Tels l'âne d'Apulée ou les marins d'Ulysse La prairie changeait nos formes avec malice Mohicans cruels aux mustangs ensorcelés Conquistadors enfiévrés par l'or pourrissant On s'effrayait de nos dramaturgies osées Sous l'ombelle des nuages si nonchalants. Quand la dame en noir déployait sa pèlerine Des somnambules aux yeux de lune sur les branches Scrutaient la nuit dans l'attente d'une avalanche D'étoiles vibrantes ou de comètes orphelines Au loin, alors des voix inquiètes nous hélaient Un doux frisson parcourait nos corps éreintés Nos gracieuses Hestia, servantes des foyers Ouvraient leurs bras, nobles statues crucifiées.