Ah, Tous ces fâcheux bonimenteurs! Le miel au bord des lèvres Et le dard sur la langue, Prodigues en conseils, Médaillés de pragmatisme, Ils ont bâti leur empire Sur une faille sismique Bordée d'un immense parc Aux vapeurs nucléaires... Mais ils venaient me voir Car j'étais immature, Je chantais jour et nuit Les splendeurs de la nature Et chaque cantilène Leur causait d'horribles souffrances! Ils se mettaient à pousser des hurlements, A persifler comme des boas destructors, A m'offrir des bouquets d'horties. Ils venaient acccompagnés de tronçonneurs anabolisés, D'ingénieurs agronomes se bâfrant d'amandes transgéniques, De pisciculteurs aux nageoires saumonées, Et de garagistes aux neurones noyés dans les bio-carburants Et tous me suppliaient de cesser Ces élégies oiseuses et contre-productives Qui semaient désordre et déprime Pourquoi célébrer les forêts ? Exploite, transforme, randonne à ta guise, La nostalgie n'est pas de mise ! Devant mon obstination Ils ont tout cassé Et m'ont jeté dans un égoût Où des rats viennent ronger les cordes De mon violon et en tirent des sonorités inouïes. Alors j'entends à nouveau Des jérémiades, des insultes et des menaces de mort Mais je sais qu'ici ils ne viendront pas Non qu'ils aient peur des odeurs Puisqu'ils en sont auréolés, Non qu'ils aient peur des rongeurs Puisqu'ils s'en sont inspirés Mais ils craignent d'étouffer Dans ce lieu clos Où les ténèbres chuchotent sans fin, Où il n'y a pas de place au soleil.