En sa robe d'ébène où scintille de l'or La nuit s'avance sur les ailes des condors, Ses chandelles posées par-delà tous les monts, Elle éclaire l'âpre chemin des vagabonds.
Des vagues assombries accouchent les semences Qui s'ouvrent sous la voûte en beau gerbier d'étoiles Elle sculpte dans ses forges les perles denses Des constellations vibrantes comme des voiles.
Fabuleuse nuit, dans les brumes, tu égrènes Le sable noir de ta mémoire séculaire Qui s'écoule dans des abîmes de lumière O% rajeunissent les existences anciennes.
Quand tu enfantas les radieux matins du monde, Les plumes des anges planaient comme un nuage, Les feux du firmament moiraient les eaux sauvages Où tremblaient les rêves des algues bleues fécondes,
Tandis que tu secouais les grappes stellaires, Que ses pépins dorés filaient dans l'univers, Des amoureux fervents envoyaient leur serment Sur leurs flèches vives vers l'astre incandescent.
A ceux qui s'enfonçaient au fond des solitudes Tu as offert un grand chapiteau constellé Où d'immenses chevaux lumineux, enneigés Traversaient la steppe obscure des altitudes.
Reine des chrysalides, des métamorphoses Qui brasse des vies dans leurs mutations grandioses, Berceuse nuit, tu allaites les galaxies Qui scintillent dans tes bras de charbon serti.
Car tu étais nuit avant la lumière, Sans toi, nul verbe n'aurait pu briller, N'aurait pu illuminer ce calvaire Cette fausse nuit, de l'homme, adorée. Le verbe est venu dans la nuit légère Donner aux humains leur divinité Pour qu'ils ne souffrent plus de leur misère, Eux qui toujours ont nié la clarté. Car la nuit n'était pas l'obscurité Mais la tendre mère de la lumière Où viendrait le verbe enfin révéler Que seul l'amour pourra sauver la terre Des lourdes ténèbres où elle a plongé. Mais le verbe pur mangea la poussière Souillé par les fils de l'obscurité Et la nuit en larmes s'en est allée En laissant la peur régner sur la terre.