Kaspar, Kaspar, pauvre orphelin des météores! Tu contemplais les cheveux blonds des champs de blé Onduler sous les caresses des vents d'été, Sur la rivière où scintillaient mille trésors, Un héron volait dans le sillon de l'aurore. A la herse du vieux château aux hellébores, Tu accrochais les rêves précieux des licornes Que tu cueillais aux pâles branches des viornes. Quand la nuit refermait ses lèvres constellées, Tu écoutais battre le cœur lourd des forêts, Tu poursuivais les cerfs aux ramures argentées. Dans les sentiers obscurs chuchotaient les secrets Qu'enfant tu confias au feuillage frémissant Quand des tisons rougeoyants traversait l'éther Eclairant les stèles d'un ancien cimetière, Tu guettais impatient l'heure des nécromants. Le brasier des étoiles crépitait alors, Le sabbat commençait par les cris des sorcières Qui flottaient en tournoyant dans l'air délétère, Venaient bientôt les stryges, la fureur des morts, Des visages haineux, des masques de folie Et la peur qui te prit quand tout s'évanouit Dans un atroce vertige de hurlements De tombes profanées, de fantômes jurant!
A Nuremberg, un matin on t'a découvert Comme un épouvantail attaché à sa croix, Triste somnambule d'origine princière, Prisonnier d'un mystère que rien ne leva, Car un soir, un poignard a fermé tes paupières Et la lune s'est noyée dans un lac de sang Qui bientôt inondera l'Europe outrancière, Orpheline elle aussi de ses grandeurs d'antan.