Sentez-vous frémir le sol de l'aride lande? Entendez-vous les grondements noirs des nuées ? Les peupliers fiévreux font une sarabande Les sombres choucas tordent leurs ailes brûlées Et les spectres de l'orage roulent sans fin. Sorti des entrailles fumantes des enfers Le destrier des ténèbres aux rouges œillères Traverse les forêts dans un galop soudain Piétinant avec rage les filles de l'aube Il transporte un cavalier au visage en feu Sa lourde armure que la nuit encore enrobe Résonne comme le glas des hivers sans Dieu. Il vient chercher celle qui tous les soirs le pleure Que ses douleurs et blasphèmes ont réveillée Il vient de plus loin que le souvenir des heures D'un rivage sans mer,sans nuage,sans clarté. « Les morts vont vite, ils ne s'arrêtent jamais » Souffle-t-il à son ange blanc comme un linceul Qui accourt gémissante sur les herbes folles Ses cheveux d'ébène dans les brumes s'envolent. « Hâte-toi, les morts ont si peur de rester seuls » Le furieux aquilon les emporte enlacés Tandis qu'au loin des chants funèbres se confondent Dans un tourment tourbillonnant de voix immondes Tout autour d'eux s'évanouit dans des décombres Les étoiles, les montagnes, les arbres sombrent Blessé par les ronces nocturnes,l'horizon Répand longtemps son sang dans un ciel moribond Las, les amants sur leur coursier ensorcelés Ne peuvent voir venir à eux le gouffre amer Qui cruel, les engloutit pour l'éternité, Un cri d'agonie ébranle alors l'univers.