Au fond de la ville, dans une impasse obscure Où chaloupent les corps de sirènes impures, Où la nuit aveugle hurle ses durs blasphèmes Sur d’infâmes pouacres, enfants de Polyphème Que cherches-tu, Tancrède, une issue au malheur, Toi qui tuas l’amour pour quelques vils honneurs ? Une porte, un chemin et te perdre à jamais Dans ces longs dédales de pleurs et de regrets, Veux-tu les retrouver ces bleus sentiers d’antan Quand la pluie tournoyait au gré des sifflements Des vents tumultueux issus de ton cœur sombre Qu’étreignaient des passions semées dans la pénombre, Veux-tu les entendre dans la triste ruelle Ces cris abandonnés des jeunes hirondelles Qui buvaient dans tes mains les larmes de l’aurore Et reflétaient tes yeux dans leurs pupilles d’or, Ces glas du forgeron quand brulaient les ténèbres Sous les coups du marteau précis comme une algèbre Ou ces mornes cyprès qui grinçaient sous la lune Telles les Grées talées dans leurs orgies nocturnes ?
Car ton âme, Tancrède était bien tourmentée, Tu ne pouvais souffrir qu’elle soit abîmée, Tu la voulais si pure et la souhaitais si noble Tel un raisin précieux dans un radieux vignoble, Tu la rêvais égale à ces Dieux souverains Combien insensibles aux désordres humains, A cette perfection que d’aucuns t’enviaient Tu voulait un miroir qui serait son reflet, Quand la belle Myrtis éclipsa le soleil Tu sus qu’un vrai amour pénétrait ton sommeil Et quel enchantement quand tu pus la charmer Ce fut comme un trophée qu’il fallait exhiber Aux yeux de tes amis, dans leur ravissement, Ils restaient pétrifiés du coucher au levant. Et toi qui t’aimais tant dans leurs regards perdants Ne cessais t’attiser leurs désirs véhéments Ils redoublaient ta joie d’être le possesseur De ce vivant portrait, témoin de ta splendeur.