On a beau dire que j’ai un nom, Une carte numérique où défilent Des nombres naturels, des lettres romanes Et des signes scabreux, Je ne suis jamais ce que l’on croit. Parfois, je prends des résolutions : Sous la douche, je suis seul, Mais dès le premier vêtement, Je me change; D’autres êtres enfouis en moi Sortent timidement Et commencent à se saluer Dans un vacarme de silence brisé. Je voudrais émettre une opinion sensée, Mais, déjà l’histrion s’est emparé de moi, Et me voilà occupé à rire Alors qu’on pleure des morts, Je chante dans les cimetières Et gémis quand la ville exulte et parade. Devant les sommations procédurières Des pachas baveux des ministères Mon indignation se mue En frasques simiesques, Je plonge sur leur perruque Pour en extraire des lentes visqueuses Et des fœtus de haine. D’autres fois, l’altruiste qui sommeille Bondit de sa paillote léthargique Et saute dans les eaux glaciales Repêcher un noyé, Hélàs, je reviens couvert D’algues mortes ,une truite frétillante Coincée entre les mâchoires. Quand je me recueille, Dans mes vaticinations mystiques, A l’heure solennelle de l’Eucharistie, L’esprit conquis par de célestes cantilènes, J’entends derrière moi Ce rire sardonique d’une gargouille zoïle Qui exhibe ses dents pourries En hurlant : « C‘est l’hostie, trop sucrée, très cher sosie!". Et c’est comme cela pour tant de choses. Faute de mieux, nous me cherchons Dans les oubliettes de l’histoire. Mais laissez-moi votre adresse, Que je puisse enfin rentrer chez moi.