Ne te retourne pas, Tu verrais des visages en effroi Se fissurer comme des masques de plâtre, Tu verrais des mains de sel S’éparpiller en bourrasques de feu Hurlant dans la plaine Tandis que s’effondrent des temples Où errent quelques pénitents aveugles, Des tours broyées Par les mâchoires des ténèbres Et un peuple d’ombres qui se cognent, Se fracassent furieusement A la recherche d’une chair encore vivante.
Ne te retourne pas, Tu n’y verrais qu’un désert de pierre Où grouillent en feulant des vipères malades, Où grincent des scorpions obstinés Au creux des tombes sans mémoire. Ne te retourne pas, Que verrais-tu sinon ton image aux trousses S’agripper douloureusement A tes pieds Pour les lier au passé.
Regarde devant toi, Ne scrute pas l’horizon et ses prestigieux mirages Où chimères et licornes, agneaux et ânesses Se transforment la nuit En goules implacables Qui lacèrent l’aurore quand elle vagit dans la brume.
Regarde devant toi, Simplement ce chemin sur lequel tu avances, Pas à pas, Du soir au matin, Jour après jour, Ce chemin où s’ouvrent parfois Des corolles de lumière, Ce chemin à la rencontre d’un autre Que tu ne connais pas.