Une nuit, je suis descendu dans la maison des morts, J'ai franchi la grille rouillée où des cyprès capturent les songes. Aussitôt, une tempête de voix s'est précipitée à ma rencontre : Chuchotements, gémissements, colères et supplications Débris de désirs inassouvis, de meurtres jamais accomplis, Atroce tourbillon dans l'horrible abysse de l'éternité Qui formait autour de moi L’auréole glauque des saintetés éphémères. Mes hurlements se joignirent aux clameurs obscures. C'était l'ivresse chaotique et désespérée De l'Aleph d'où s'exhale la plainte de Dieu Qui informe L'informel refus de façonnement, Impersonnel et inflexible décret Du désastre universelFusion confuse où roule le chant de l'abîme
Je participais à ce rite immémorial Que les langues écarlates des serpents sacrés Susurrèrent aux chastes oreilles adamiques, Hymne à la nuit, à l'incréé, aux virtualités démoniaques, Cortège rampant au bord de l'ombre Dont la joie féroce rompt les passerelles de l'histoire. Fuyant, je pénétrais un labyrinthe Où flamboyaient des miroirs aveugles, Sosies fracassés des vanités secrètes, Immonde orgueil tapi dans l'alcôve déserte de l'âme, Je voyais , des murs lézardés, suinter Les figures hagardes de mes mensonges, De mes intrigues nouées aux trames de la peur. Je courais à perdre haleine Dans ce dédale de la mémoire des morts Dont le souffle fétide balaie Toutes les fausses lumières De nos précaires arguties, Il fallait les voir ces mythes solennels Craqueler sous le poids De leur inepte suffisance, Je n'étais plus qu'un corps nu Au bord du rivage du monde, Frêle silhouette errante Cherchant dans ses fêlures La source amère du mystère de l'amour.