Ai-je encore le droit de toucher ton éclat Ma belle rivière où ma mémoire s'ébat Quand tes cheveux d'argent et leurs frissonnements Recouvrent ma peine de leur enchantement.
Les peupliers penchés sur leur reflet vibrant Se sont-ils fascinés de leur éblouissement ? Les hérons médusés de se voir si gracieux Ont suspendu leur vol sur ton miroir radieux.
Le soleil alangui tangue sur tes eaux claires Où d'épineux chabots ivres de volupté Vont danser endiablés une gigue éphémère Qu'assistent en ténor des crapauds épatés.
Les mésanges ravies solfient obstinément, Quelques chiens vagabonds jappent dans la prairie, Des parfums pénétrants embaument tous les champs, Les fleurs enluminées discrètement oscillent.
Et tout renaît alors dans tes méandres lents Où se sont égayés tous ces rêves d'enfants Que tu as conservés au milieu de tes pages Dans ce livre vivant où passent tant d'images.
Toi, belle rivière qui rajeunit mes ans, Je t'offre, consolé, ces vers, modestement.