Je t’aime, éperdue dans cette vaste pénombre Dans la chambre obscure tapissée de mes rêves Et j’aime ton souffle qui dissipe ces ombres Qui s’emparent de moi quand la lune se lève.
L’impérial Xanadu où je suis prisonnière M’accorde tous les jours son exquise lumière, Ses arbres ruissellent d’étincelles moelleuses Qui versent leur parfum comme des embaumeuses.
Tout est luxe en ces lieux où j’erre solitaire, Les fontaines de l’aube accompagnent mes pas, Sur ses flocons soyeux, emportant mes prières, La colombe s’en va mais ne reviendra pas.
Dans ces couloirs grinçants où se perd ma mémoire, Des statues fumantes m’observent tous les soirs Et des mains vivantes tiennent les candélabres Projetant sur les murs des figures macabres.
Je ne peux ni te voir ni connaître ton nom, Serais-tu donc un ange ou alors un démon ? Parfois j’entends des voix et je tremble si fort Seraient-elles les messagères de ma mort ?
Je ne peux trop longtemps soutenir mon regard Dans ce miroir profond où ma tête s’égare, J’y vois venir à moi une forme effroyable Et je m’évanouis dans un cri formidable.
Et l’effroi et l’émoi, tout s’est mêlé en moi… Une nuit où l’amour nous avait consumé, J’ ai décidé alors de braver cette loi, De contempler ce corps qui m’avait envoûté.
Quelque chose d’affreux remuait sous les draps, Une clarté lunaire tel un serpent sinistre Sinuait silencieux sur ce long lit de bistre, Et j’ai tout dévoilé dans un grand désarroi.
Une image radieuse aux ailes frémissantes S’est alors envolée dans l’éther affligé, Un regard attristé comme un oiseau blessé A baisé mes cheveux dans cette heure mourante.
J’ai perdu mon amour qui était prisonnier, Que je voulais garder au fond de ma psyché, Retenir à jamais ce que m’avait offert Un amant fabuleux ou un ange pervers.