L’onagre au crépuscule répand ses rêves jaunes, Un million de soleils tapisse les prés sombres, Y viennent chuchoter les âmes des blancs aulnes, Au bord de l’étang mort tremblent de grandes ombres Et mon coeur se souvient de tes lèvres fécondes Qui en éternité sublimaient mes secondes.
L’aurore ouvre ses bras emperlés de rosée, Semences d’avenir, jeunesse recouvrée, Des nuées empourprées voguent à l’horizon Sur les vagues dorées à l’heure des moissons Et mon coeur se souvient des folles escapades Des enfants vagabonds dans leurs lestes parades.
Le manoir assailli par la bise cinglante Gémit avec douleur sous un ciel ravageur Le tronc dilacéré d’un peuplier pleureur Se met à vaciller sous la lune insolente Et mon coeur se souvient de son galop inquiet Quand il se débattait, perdu dans la forêt.
L’angoisse du minuit en ses brumes mortelles Réveille du tombeau un spectre abandonné Alors que d’un clocher chutent les étincelles Des étoiles percées par l'accablant passé Et mon coeur se souvient que le cor a sonné, Il sait que tu m’attends sur cet obscur sentier.